SuperBirthday –
Point de vue Lane
Lois termine de remplir les grands verres avec sa nouvelle création fruitée du jour pendant que j’observe mon salon bien rempli. J’ai réussi l’exploit de réunir tout le monde aujourd’hui. Je n’ai pas revu mes potes depuis mon anniversaire et, même si on échange des dizaines de SMS chaque jour, ces abrutis m’ont manqué.
— Allez Lois, viens ouvrir tes SuperCadeaux ! l’interpelle Donovan en câlinant son totem fraîchement gagné.
— Tu peux arrêter de caresser ce truc ? grimace Amelia. J’avais un bref espoir mais ça va pas mieux tous les deux, elle ajoute en agitant son index entre Carrie et Donovan.
— T’es une Wolinski toi aussi, réplique son frère en jouant des sourcils.
— Peut-être que tu as été adopté. Non, en fait je suis sûre que tu as été adopté ! Tu vois bien que tes gênes atypiques ne descendent pas de ma lignée.
— Rien qu’à voir Carrie, je peux t’affirmer que Don est bien un Wolinski, commente Lewis en prenant un air désolé.
Lois dépose les verres sur la table basse, les plus téméraires se servent sans hésiter.
— T’as mis quoi dedans ? demande Amy sur un ton suspicieux.
— Que des bonnes choses !
— Tu m’en diras tant…
— C’est normal que le mien soit pas tout à fait de la même couleur que les autres ? l’interroge Lewis en remuant le smoothie avec sa paille.
— C’est normal, elle répond en souriant.
Lewis se tourne vers sa copine et brandit son breuvage entre eux.
— Si je tombe soudainement amoureux de Lois, ce sera la faute du philtre d’amour qu’elle a foutu à l’intérieur. Je sais qu’elle est folle de moi.
— S’il tombe soudainement dans le coma, ce sera la faute du philtre empoisonné que j’ai foutu à l’intérieur, corrige Lois en battant des cils.
— Bois, conclut Firebird en hochant la tête.
— Vous êtes des personnes horribles ! C’est une honte !
— Allez on trinque ! intervient Adam en rigolant. Bon anniversaire, Lois !
Nos verres tintent et Lois s’emploie à déballer tous les cadeaux que nos amis lui ont apportés. Lorsqu’il n’en reste plus qu’un, l’atmosphère se tend. Dans un silence flippant, tout le monde observe le cadeau offert par Lewis, ou plus précisément le papier qui l’entoure. Merde, je n’aimerais pas être à la place de ma copine. Lois se racle la gorge en lançant des œillades paniquées à la ronde. Personne n’a le courage de croiser son regard, alors je m’y colle. Être amoureux c’est vraiment chiant dans un moment comme celui-là ! Je hoche la tête pour l’encourager, je reçois en retour un message télépathique limpide : va lancer le moteur de la Camaro, il faut fuir.
— Bon, tu vas l’ouvrir ou pas ? s’impatiente Firebird en jetant deux M&M’s dans sa bouche.
— Hum. Euh. Quelqu’un veut une deuxième tournée de smoothie, d’abord ?
— Tu comptes me révéler ce que tu as mis dedans ? l’interroge Amy en arquant un sourcil.
— Non.
— Alors ça ira…
— Je ne supporte pas toute cette pression ! s’écrie Lewis en se tenant la tête entre les mains. J’ai passé au moins douze minutes à hésiter entre ce cadeau et un autre. J’ai besoin de savoir si j’ai fait le bon choix ! J’en ai besoin, Lois !
— Désolée, il n’a pas pris son cachet ce matin, souffle Amy en lui tapotant la cuisse.
Enfin, quand elle « tapote » c’est plus ou moins un coup de poing, mais Lewis semble habitué car il ne grimace presque plus.
Des coups frappés contre la porte interrompent ce grand moment, je m’empresse d’aller ouvrir. J’ai à peine actionné la poignée et ouvert le battant qu’une nuée de confettis m’arrive en pleine face.
— Mec ! T’as fait foirer mon entrée ! me rabroue Carter. C’était pour Lois !
Je recrache les petits bouts de papier tandis que Fiston Beccer se faufile entre mes jambes en aboyant.
— J’arrive pas à croire qu’ils aient réussi à maintenir un animal en vie ! j’entends Carrie commenter.
Je retourne poser mes fesses sur l’accoudoir du fauteuil de Lois et embrasse le sommet de son crâne.
— Sauve-moi… elle chuchote d’une voix suppliante.
— Saute-moi ? je fais mine d’avoir mal entendu.
J’écope d’un coup de coude dans les côtes.
— Désolée pour le retard ! déclare Becca en traversant le salon.
Elle jette son sac et son manteau sur son mec et serre Lois dans ses bras.
— Joyeux anniversaire !
— Merci.
— Qu’est-ce qui se passe ? elle s’inquiète en s’installant sur ce fichu pouf violet. Vous tirez tous une de ces tronches !
— Lois s’apprêtait à ouvrir mon cadeau !
Elle dévisage Lewis, puis Lois, avant de contempler la bombe à désamorcer.
— Oh mon Dieu ! Cart, j’ai oublié un truc dans la voiture, file-moi tes clés.
— Quoi ?
— Tout de suite !
— Non mais arrêtez vos conneries ! vocifère Lewis en sautant du canapé.
Il se poste devant l’unique issue de secours, pour empêcher quiconque de s’échapper. Carter part se chercher une bière et se laisse tomber dans le canapé. Il lorgne sur le cadeau de Lois en buvant une gorgée.
— De quelle année date ce machin ?
Carter ose enfin poser LA question à un million. Nous recommençons tous à fixer l’emballage qui recouvre le cadeau. Notre angoisse commune est focalisée là-dessus parce qu’il est clair que ce papier a connu beaucoup d’anniversaires. Beaucoup trop. Chacun de nous a conscience que l’ouverture est risquée. Si le doigt de Lois ripe pendant l’opération, Conley va décompenser.
— Il a servi pour la première fois lors de l’anniversaire de ma tante Bridget en 19…
— Ne le dis pas ! s’étrangle Lois.
— C’est une relique ! il déclame d’une voix fière.
— Ok. J’y touche pas.
— Allez SuperCopine, ouvre-le !
— Non.
— Ouvre-le ! il insiste en plissant les yeux.
— Non !
— Je l’ai choisi avec mon cœur ! C’est une honte !
— Tu t’en remettras.
— Il ment, c’est Raven qui lui a donné l’idée, ricane Amy.
— Hitman, tu crains ! Ça me fait de la peine quand tu me balances devant mes copains !
— Tu t’en remettras.
Ils se défient du regard, celui de Firebird clame clairement un « baisse les yeux, Conley ».
— Je ne le ferai pas, articule Lewis qui a très bien compris le message.
L’affrontement continue, Lois en profite pour tenter une exfiltration discrète.
— Regarde-moi bien, Amy, reprend Lewis en captant le manège de ma petite amie. Je ne baisse pas les yeux, je vais seulement les faire dévier vers Lois.
— Si ça te fait plaisir d’y croire…
Mon meilleur pote braque alors ses iris perçants sur sa victime.
— Loiiis… Loiiisss…
— Fais-le à ma place ! elle m’ordonne en me jetant le paquet sur les genoux.
— C’est mort, je ne touche pas à ce papier cadeau !
— C’est mon anniversaire, Lane ! Tu dois faire tout ce que je te demande aujourd’hui !
— Qui a décidé ça ?
— Mon père. Dois-je te rappeler qu’il a une arme ?
— Son père a un flingue ? s’enquiert une Amy très intéressée. Il pourrait me le prêter à l’occasion ?
— Désolée mon cœur, je te ferai tout ce que tu veux dès qu’ils seront tous partis, mais pas ça.
Je balance aussi sec l’objet démoniaque à Donovan, qui ouvre de grands yeux effrayés en l’attrapant par réflexe.
— Pas moyen ! J’ai un match important demain soir !
Il amorce un geste pour le refourguer à Carrie, mais le coup d’œil meurtrier de Madame Wolinski le convainc de trouver une autre cible. Il tourne la tête vers sa sœur et remue sa lèvre inférieure dans une supplique ridicule.
— Même pas en rêve, frangin !
— Adam, c’est pour toi mon vieux !
Le concerné a tout juste le temps de poser son smoothie.
— Si vous pensez que mon statut d’ami d’enfance pourrait me protéger de Lewis, la réponse est non ! il riposte en reposant le paquet sur la table basse. J’ai malencontreusement abîmé un emballage Pokémon il y a trois ans, vous n’avez pas pu l’oublier.
— Je n’ai pas oublié, marmonne Lewis en secouant gravement la tête. C’était mon préféré.
Sur ce, il se lève, récupère son précieux et le remet sur les genoux de Lois. Vaincue, elle prend une vive inspiration, s’attache les cheveux et fait craquer ses doigts.
— Bon… Les amis, j’ai été ravie de vous connaître, elle annonce sur un ton d’adieux.